1. Pour paraphraser la célèbre chanson de Serge Gainsbourg, « des p'tits points, des p'tits points, toujours des p'tits points », voici ce qui résume l'œuvre de Georges Seurat, un artiste discret mais néanmoins majeur dans l'histoire de la peinture. Qui est ce peintre si étonnant ?
2. Georges Seurat (1859 - 1891) est en effet le chef de file du courant post-impressionniste appelé pointillisme. Qu'est-ce que cela signifie ? Il faut faire un retour en arrière pour le comprendre. Au milieu du 19ème siècle émerge en France un nouveau style appelé l'impressionnisme. Cette peinture était caractérisée par l'emploi de petites touches déposées sur la toile afin de capter la lumière. Les sujets, principalement des paysages, étaient réalisés en plein air ce qui constituait une nouveauté car jusqu'alors, les œuvres s'exécutaient en atelier
3. En 1875, Seurat a 16 ans. Il étudie le dessin et la sculpture dans une école réputée de Paris. Le jeune homme est doté d'un esprit curieux et il s'intéresse à tout, en particulier aux nouvelles théories scientifiques sur la décomposition des couleurs.
4. Un ouvrage le marque particulièrement. Il s'agit du livre du chimiste Eugène Chevreul, De la loi du contraste simultané des couleurs. L'une des idées de ce savant est qu'une couleur n'existe pas en tant que telle mais que c'est le cerveau qui la crée en la regardant. Par exemple, si tu regardes un point bleu placé à côté d'un point jaune, tu verras du vert.
5. Seurat veut appliquer les théories de Chevreul à sa peinture. Il reprend le point de vue des peintres impressionnistes sur l'importance de capter la lumière avec des pinceaux mais avec une technique très différente. Alors que les Impressionnistes peignaient la plupart de leurs toiles sur place, Seurat se rend sur les lieux mais seulement pour dessiner des croquis qu'il appelle de des croquetons.
6. De retour dans son atelier il reprend ses fameux croquetons et, patiemment, élabore ses toiles en reproduisant ses dessins qu'il remplit de minuscules petits points savamment déposés dans un ordre chromatique selon les théories de Chevreul. Mais la technique est différente. Alors que les peintres impressionnistes fabriquaient sur leur palette les couleurs qu'ils désiraient appliquer, Seurat s'arrange pour que ce soit le spectateur qui, voyant de loin les toiles remplies de petits points, fabrique les couleurs avec son cerveau.
7. Le résultat est étonnant. Certains peintres comme Signac ou Pissaro sont enthousiastes et lui emboîtent le pas. D'autres sont plus réservés comme Monet et surtout Gauguin qui ironise en qualifiant les petits points de Seurat de « riripoints. » Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, Seurat se moque bien de ce qu'on raconte sur ses tableaux. « Ils voient de la poésie dans ce que je fais. Non, j'applique ma méthode et c'est tout » a t-il coutume de répéter.
8. Avec sa technique si particulière, Seurat réalise de véritables chefs-d'œuvre. Le plus connu est une immense toile de plus de trois mètres de long et deux mètres de haut qui s'appelle Un dimanche après-midi à l'île de la Grande Jatte et qu'il réalise entre 1884 et 1886. Dans cette peinture représentant un lieu de promenade apprécié des Parisiens, Seurat rassemble tout son savoir-faire: des dessins très précis, une organisation de la toile bien pensée et surtout un art consommé de la couleur. Si tu vas un jour à Chicago, il faut t'arrêter à l'Art Institute, le grand musée de la ville, pour l'admirer.