Le peintre virtuose


Un tableau coquin

1. « Je souhaite que vous peigniez Madame assise sur une escarpolette en plein vol, poussée par un évêque. Vous me placerez juste en face, dans l'axe des jambes écartées de ma belle. Vous agrémenterez votre tableau d'un beau décor composé de feuillages et de statues … »

Le style rococo

2. Nous sommes en 1767. Celui qui s'exprime ainsi, c'est le baron de Saint-Julien, un noble de la cour du roi de France, Louis XV. Le tableau qui naîtra de cette commande s'intitule Les Hasards heureux de l'escarpolette. L'auteur de ce célèbre tableau s'appelle Jean-Honoré Fragonard. Il est l'un des plus brillants représentants du style rococo, un mouvement artistique né au 18ème qui rejette les sujets traditionnels de la peinture classique.

Clerc de notaire

3. Pourtant Fragonard n'a pas toujours été ce peintre des fêtes galantes et des scènes coquines . Né en 1732 à Grasse, en Provence, d'un père fabricant de gants, il commence sa carrière à Paris comme secrétaire … chez un notaire. Ce dernier remarque cependant assez vite que son jeune clerc est plus doué pour le dessin que pour les écritures et il le recommande à son ami François Boucher, un peintre très réputé.

François Boucher

4. De Boucher, Fragonard va apprendre tous les genres de la peinture: l' historique, le portrait, le paysage, la nature morte, la scène de genre et surtout l'étude du nu. Boucher est en effet un peintre particulièrement brillant et reconnu dans la réalisation de charmants tableaux représentant des dames très dévêtues. Il est aussi souvent sollicité pour les spectacles de l'opéra. Fragonard aide son maître à concevoir des décors somptueux où, dans une nature imaginaire et foisonnante, se promènent des petits anges nus et dodus.

Prix de l'Académie

5. Après quatre ans passés dans l'atelier de Boucher, Fragonard décide de concourir au grand Prix de l'Académie royale de peinture. Mais pas question ici de présenter une peinture galante. Seuls les sujets «sérieux» sont admis: les scènes de la mythologie gréco-romaine ou les histoires tirées de la Bible. Fragonard choisit un sujet biblique. Il reprend l'histoire d'un roi juif, Jéroboam, successeur du grand roi Salomon et qui, au lieu d'adorer Dieu, préfère adorer une idole, symbolisée par un veau d'or. Le tableau plait au jury et Fragonard remporte le prix.

L'Ecole Royale

6. La carrière du jeune peintre est désormais assurée. Il va pouvoir entrer à la prestigieuse Ecole Royale où, pendant trois ans, tous frais payés, il va parachever sa formation. La fin des études est couronnée par un grand voyage en Italie, le pays de Raphaël, Michel-Ange, Titien, Vinci et beaucoup d'autres. De retour à Paris, Fragonard se sent prêt à entrer à l'Académie. En 1765, il présente un tableau intitulé Corésus et Callirhoé qui raconte l'histoire d'un grand prêtre, Corésus, qui, pour sauver sa ville de la peste, se sacrifie à la place d'une jeune fille, Callirhoé, dont il est amoureux.

Insatisfaction

7. Avec ce tableau, Fragonard est reçu dans cette institution. Pourtant, le peintre n'est pas satisfait. Il a l'impression d'avoir épuisé l'intérêt des peintures académiques qui, au fond, l'ennuient. Il ressent l'envie de créer autre chose, de plus amusant, de plus léger. Son style change ainsi que ses sujets. Fragonard peint désormais des portraits, des scènes de genre et surtout des jeux amoureux.

Le Verrou

8. C'est ainsi qu'en 1784 il présente Le Verrou. Dans une chambre aux tons rouges, un homme à moitié déshabillé étreint une dame d'une main et de l'autre, ferme le verrou placé sur la porte pour ne pas être dérangé. La scène est violente et l'Académie apprécie peu cette peinture. Aujourd'hui, L'Escarpolette et Le Verrou sont les deux tableaux les plus célèbres de Fragonard.