1. « - Sire, savez-vous que le plus grand peintre français vivant habite à Rome ? Je le sais parce que j'ai reçu en cadeau de la part de mon collègue, le cardinal Barberini, deux de ses toiles qui sont des pures merveilles. Je ne saurais trop conseiller à Sa Majesté de faire revenir ce peintre et de lui offrir la place qu'il mérite. »
2. Cette conversation a bien eu lieu. Elle se déroule en 1640 entre le roi de France, Louis XIII, et son ministre, le cardinal de Richelieu. Le peintre dont il est question s'appelle Nicolas Poussin. Il vit effectivement à Rome mais sa réputation est si grande qu'elle a franchi les Alpes.
3. Pourtant tout n'a pas bien commencé pour le jeune Nicolas. Né en 1594 aux Andelys, une petite ville normande à l'ouest de Paris, sa famille ne l'encourage pas à la carrière artistique malgré son vrai don pour le dessin. Son père l'oblige plutôt à apprendre le latin et le grec. Poussin acquiert ainsi une solide culture. Les dieux de la mythologie gréco-romaine n'ont pas de secrets pour lui. Il s'en servira plus tard. A 18 ans, il quitte clandestinement la maison de ses parents pour Paris. Hélas, il ne connaît personne et n'arrive pas à vendre ses toiles. Il part donc pour Rome.
4. Cette fois, la chance lui sourit. En 1627, il fait la connaissance d'un poète italien réputé, Giambattista Marino, mieux connu sous le nom de Cavalier Marin. Ce dernier reconnaît immédiatement le talent du jeune artiste et l'introduit auprès du puissant cardinal Barberini, neveu du Pape Urbain VIII. Poussin présente La mort de Germanicus. Ce tableau représente un célèbre général romain en train de mourir, entouré de ses fidèles soldats et de sa famille. C'est un chef-d'œuvre. La carrière de Nicolas Poussin est lancée.
5. Tout le monde connaît maintenant Nicolas Poussin.Les jésuites, un ordre religieux très puissant à l'époque, lui demandent de réaliser six grands tableaux de saints pour décorer leurs églises. En 1628, le Pape le charge d'embellir la basilique Saint Pierre, la plus grande église de Rome. Poussin présente un tableau dramatique, Le martyre de Saint Erasme. Mais le tableau ne plaît pas. Poussin va en tirer les conséquences.
6. Fini les commandes de tableaux exécutés dans l'urgence. Poussin décide de peindre à sa façon, en prenant son temps. Il médite longuement ses œuvres, fait des recherches, trace des croquis, examine les éclairages. Il pousse même le sens du détail en sculptant dans de la cire des petits personnages qu'il place sur des maquettes en carton. Poussin réalise ses tableaux comme un architecte conçoit un bâtiment.
7. Le résultat est exceptionnel. Ses tableaux sont si bien pensés, si minutieusement conçus qu'on peut dire qu'il invente à lui tout seul un nouveau style de peinture: le style classique. Son art est à la fois savant et poétique. Grâce à la solide éducation qu'il a reçue, Poussin s'inspire aussi bien de la Bible que de la mythologie gréco-romaine. Mais en même temps, il soigne ses couleurs et ses décors, créant ainsi une atmosphère de douceur et de recueillement, typique de son œuvre. L'un de ses chefs-d'œuvre illustrant ce mélange heureux d'érudition et de sensibilité est la série des Quatre saisons (1660) qu'on peut aujourd'hui admirer au Louvre.
8. Il n'est pas étonnant que le roi de France l'ait réclamé auprès de lui. Mais Poussin aimait trop l'Italie et après deux années passées à la Cour de France, il retourne à Rome. Il y vécut jusqu'à sa mort en 1665.